EN LIVE AVEC LES STARS !
Cette catégorie vous permet de découvrir les stars sous leur vrai jour, et non celui qu'elles veulent bien montrer par l'intermédiaire de leur agent, leur attaché de presse, ou leur prestation dans une émission de télévision.
Pour cela, profitant de mon expérience de plusieurs années dans le domaine de l'interview, je vous propose le récapitulatif des rencontres que j'ai pu avoir avec vos acteurs ou actrices préférés, et je vous joins les interviews correspondantes.
Tout vous est relaté, sans fard ni dissimulation, et sans aucune langue de bois. Vous allez découvrir que certaines stars sont loin de l'image que l'on veut donner d'elles, que ce soit en bien ou en mal.
N'hésitez pas à me laisser vos commentaires pour me relater vos impressions.... Alors, bon voyage de l'autre côté du miroir...
Aujourd'hui :
24 avril 2015. Le comédien est présent au théâtre municipal de Bastia afin d'y jouer "L'Avare" de Molière.
Nous avons rendez-vous à son hôtel, en début d'après-midi, et c'est un Jacques Weber imposant, mais détendu, qui se présente à moi. Sympathique et souriant, il se commande un petit café afin de pouvoir le déguster tout en répondant à mes questions...
Je ne vous cache pas qu'il a été difficile de sélectionner dix questions concernant une carrière comme la vôtre...
(Il sourit)
Vous souvenez-vous du moment précis qui vous a dirigé vers votre métier d'acteur ?
Figurez-vous que votre question tombe très bien ! Parce que c'était à une représentation de "L'Avare", alors que j'avais à peu près 9 ans. C'était une très belle pièce, à la Comédie Française, et à la fin du spectacle, est arrivé un monsieur qu'on appelait le "Deus ex machina", celui qui règle tout, et je me souviens très bien qu'à ce moment exact, je me suis dit "je veux faire du théâtre" ! C'est venu comme ça ! Et à partir de ce moment là, j'ai été renvoyé de tous les lycées, j'avais les classiques Larousse constamment avec moi et j'ai monté des spectacles, dont "L'Avare" justement.
Décidément, ce personnage vous suit tout le temps !
Non, mais en tout cas, il a été au début de ma carrière, et j'espère qu'il n'en sera pas la fin ! (Il rit).
Je crois savoir que vous n'avez pas de bons souvenirs de l'école ?
(Il se redresse). Ah non !! Non seulement j'étais un très mauvais élève, mais également quelqu'un qui a été foncièrement marqué par la sottise des plans de l'Education Nationale, en tout cas à mon époque. Je trouvais scandaleux qu'il soit décidé que les sélections doivent se faire très tôt et qu'on devait mettre les crétins ensemble ! A partir du moment où on avait des difficultés scolaires, ce qui était mon cas, on était un crétin. On était donc mis dans ce qu'ils appelaient des classes d'adaptation. J'étais un inadapté ! Aujourd'hui, le crétin vous salue bien ! (Il sourit).
A l'époque, j'étais fou de rage. Je sentais à quel point c'était injuste. On me disait : "Vous savez mon cher Weber, la France a besoin de bras !". Alors d'abord, ce n'était pas très gentil... c'est beau des bras ! Il n'ont rien de méprisant ! Mais le sous-entendu était clair : "Il n'a pas de cerveau". C'était épouvantable !
Tout ça m'a marqué, et même complexé. Dieu merci, ça m'a passé et j'ai passé l'âge d'avoir des complexes.
Mais qu'est-ce qui vous bloquait à l'école ?
Beaucoup de choses... Vous savez, il y a énormément d'histoires avec des gens comme des artistes, des artisans, des chirurgiens, des avocats etc... qui ont eu des réussites merveilleuses après avoir connu des échecs scolaires considérables ! Cela arrive très souvent ! Il suffit d'un déclic, ce qui a été mon cas. D'un seul coup, je me suis dit que j'allais faire du théâtre... J'ai alors lu et travaillé tout seul comme un fou et chaque pièce était pour moi l'occasion de découvrir un siècle. Quand on m'a proposé Molière, j'ai commencé à dévorer tout ce qui concernait le 17ème siècle !
Concernant l'Education Nationale, le problème se pose d'ailleurs de plus en plus ! Il y a longtemps, c'était déjà une institution discutable, mais elle l'est encore plus maintenant. C'est une vieille dame qu'on a un mal fou à faire bouger.
A la sortie du Conservatoire, vous avez refusé d'entrer à la Comédie Française...
Tout à fait et je n'en ai aucun regret car à l'époque, la Comédie Française n'était pas ce qu'elle est maintenant.
Pour moi et mon éducation soixante-huitarde, et c'était totalement ridicule, c'était très tranché. Le TNP (Théâtre National Populaire) était de gauche et la Comédie Française était un théâtre réactionnaire. Voilà, c'était comme ça ! Moi, j'étais Marxiste Léniniste pur et dur ! Donc, pour moi, la Comédie Française était du théâtre bourgeois qu'il ne fallait pas faire. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai refusé. L'autre chose, c'était que, le théâtre, pour moi, était jouer un rôle et être bouffé et totalement dévoré par lui ! Or, à l'époque, la Comédie Française était un théâtre dit "de l'alternance". C'est à dire qu'un jour on jouait "Hamlet", mais le lendemain on jouait Brindavoine dans "L'Avare", le surlendemain du Marivaux, et le jour d'après du Feydeau ! Moi, je n'aimais pas ça du tout ! Pour moi, le théâtre, c'était jouer un rôle très longtemps et, petit à petit, le jouer de mieux en mieux.
Tous ces ingrédients ont donc été suffisants pour dire non au "Français", mais ça a fait un scandale retentissant car, en plus, j'avais reçu le prix d'excellence à l'unanimité, ce qui était un truc extrêmement rare. J'étais, à l'époque, sur toutes les premières pages des journaux et paf ! Soudain, je refuse la Comédie Française... Tollé général !
Je n'en ai aucun regret mais je tiens à dire que, maintenant, j'ai une grande admiration pour le "Français". C'est une des rares maisons qui reste encore debout et où il y a les moyens d'aborder un grand répertoire, d'être entouré d'une grande troupe de théâtre avec de grands acteurs et actrices et avec de grands ateliers de décors et costumes... C'est encore un des grands représentants de la France et c'est très bien.
Vous êtes connu comme étant un homme passionné et sanguin. D'ailleurs, vos célèbres colères homériques sont presque devenues une marque de fabrique... D'où vous vient ce caractère emporté ?
(Il me fixe droit dans les yeux) Je suis bien triste que mes colères, qualifiées d'homériques, ou colères tout court, me répertorient à ce point ! Je suis quelqu'un qui, souvent, les assume et les regrette aussi un peu. Pourquoi ? Parce que dans la colère, on ne dit jamais les choses clairement et avec suffisamment de sagesse pour être écouté et entendu.
Mais en même temps, la colère est nécessaire ! En ce moment, j'ai l'impression que le monde est devenu tellement injuste que c'est à hurler de rage ! Mais on hurle de moins en moins. On est dans une espèce de fatalisme absolu, terrible ! La misère est de plus en plus grande, les riches sont de plus en plus riches, la pauvreté cancérise le monde, la pollution est en train de nous tuer à petit feu, l'ultra libéralisme triomphe à un point inimaginable, on accepte la désertification, ce qui fait qu'on affame des gens et qu'on accepte de voir que des mères voient leur enfant mourir sur leur sein, etc...
Il y a une structure moyenâgeuse qui gouverne le monde, c'est à dire 300 ou 400 grosses familles qui détiennent tout le pognon, et voilà ! Tout ça est horrible et c'est là qu'on voit que c'est trop lourd pour les gens. De plus, l'information est à jet continu et on est donc presque endormi par l'horreur... L'horreur à jet continu devient une habitude acceptée.
Tout ça me donne donc des coups de rage terrible. (Il s'énerve) Je trouve ça insupportable ! Le cynisme des politiques m'insupporte ! Le mensonge nécessaire à la représentation politique a pris de plus en plus de terrain sur la morale nécessaire en politique.
On a toujours su que le politique est obligé de mentir... C'est le début même de la diplomatie et du discours démocratique. Mais je parle de la rupture d'équilibre : s'il y a rupture entre la morale politique nécessaire et une sorte de diplomatie qui implique forcément une forme de démagogie, c'est foutu !
En ce moment, on est que dans l'électoralisme ! Partout ! En ce moment, j'entends partout "Il n'y a plus de gauche". Ce n'est pas vrai !! La gauche a deserté le gouvernement mais ses valeurs existent ! Après, on peut préférer tel ou tel type d'Economie, chacun avec son incompétence... Car, à l'heure actuelle, si vous me trouvez un type assez compétent en matière d'Economie mondiale, vous me prévenez, vous l'amenez et qu'il s'explique !
A cause de tout ça, il y a donc des tentations de repli sur soi qui sont dramatiques... Moi, je dis des choses très simples, issues de ma culture, de mes lectures et de l'histoire du monde : jamais le repli sur soi n'a été une solution !
Par contre, ce que je regrette quand j'ai gueulé dans certains médias, c'est que j'avais l'air d'une espèce de chien fou, ce qui n'est pas très bien. Le problème à la télé, c'est quand on vous demande ça ! On vous demande d'être la représentation d'un caractère. Ils sont très heureux quand vous vous mettez à gueuler...
Ca fait le buzz...
Oui ! Mais moi, je ne suis pas là pour faire le buzz ! J'ai envie qu'on prenne le temps des choses, qu'on donne la parole à des gens censés, cohérents, qui les expliquent bien. Pourquoi les journaux, la radio et la télé sont-ils désertés par les philosophes et les grandes pensées ? Pourquoi les grands penseurs de mon métier ne s'expriment-ils plus comme ils s'exprimaient à l'époque ? En ce temps là, Sartre allait discuter violemment chez Giscard d'Estaing...
Je ne comprends pas. Je ne sais pas ce qui se passe... Ca me préoccupe beaucoup.
En parlant de repli, que pensez-vous de la poussée significative du Front National dans notre pays ?
Cela veut dire que leur petite entreprise va bien... Ce qui se passe mérite une analyse extrêmement simple et claire : il ne pouvait rien se passer de mieux que le coup d'éclat du père Le Pen par rapport au Front National. C'est une façon pour eux de dire : "Nous, on n'est plus du tout comme ça". Jean-Marie Le Pen a fondé son parti sur une génération qui avait encore la nostalgie de Pétain. Les jeunes d'aujourd'hui n'en ont rien à foutre de la nostalgie de Pétain, eux qui ont des problèmes d'emploi, etc... Ce qu'ils entendent, chez Marine Le Pen, c'est le discours extrêmement démagogique qui consiste à dire que la sortie de l'Europe et de l'espace Schengen favorisera la sécurité et la reprise de l'emploi. Ils font donc marcher leur petite entreprise autour de ce discours. Il ne faut pas oublier que si elle n'avait pas trouvé ce créneau, Marine Le Pen ne serait qu'un petit avocat du barreau ! Et l'autre là, qui, à 23 ans, a eu une promotion formidable et est députée...
Marion Maréchal-Le Pen...
Alors, bien évidemment, il y a danger ! La seule chose qui, hélas, peut se passer c'est que le Front National prenne le pouvoir pour qu'on s'aperçoive, au bout de deux mois, que c'est une catastrophe absolue ! Et cette dernière peut nous amener très, très loin... Qu'est ce qui se passe si on sort totalement de l'Europe ? On ne parlera plus du fait que Marine Le Pen soit allée danser avec des nazis à Vienne ou autre chose... OK, on oublie ! En plus, c'est vrai qu'elle n'a jamais eu un propos antisémite. Naturellement, c'est très malin ! OK. Oublions tout ça. Voyons le programme...Qu'est ce qui se passe maintenant ? Les gens ne se rendent pas compte !! Si on quitte l'Europe, l'espace Schengen et qu'on ferme les frontières, mais ce sera un écroulement économique considérable ! Et ça, il faut le temps, calmement, de l'exposer, et je n'en ai pas les compétences.
Ca, c'est l'info ! Il faut une réaction immédiate ! Il faut une réaction électoraliste, affective et pulsionnelle. Alors qu'on sait bien que l'émotif n'est jamais un bon conseiller ! Certes, on est ému et bouleversé, mais il faut raison garder ! J'invite tous les gens à acheter le DVD sorti par Arte intitulé "Capitalisme". Tous les économistes,les prix Nobels etc... y parlent de l'Economie mondiale. Tous sont d'accord pour dire que, de toute façon, l'ultra libéralisme va droit dans le mur.
Il faut arrêter de fermer les yeux. Ce qui est terrible à l'heure actuelle, c'est que la pseudo connaissance à jet continu est une façon de se fermer les yeux, de refuser ce qui est collé et inhérent à la connaissance des choses : la réflexion. Si vous ne réfléchissez pas sur ce que vous connaissez ou reconnaissez, et bien il n'y a pas de connaissance.
Vous faites désormais partie des légendes du théâtre. Par contre, vous avez vous-même avoué ne pas toujours avoir fait les bons choix au cinéma. Je crois savoir, par exemple, que vous avez refusé le rôle de Mohamed Larbi Slimane dans "Les aventures de Rabbi Jacob", personnage interprété plus tard par Claude Giraud, avec le succès que l'on connait...
(Il sourit) Tout à fait et c'est une histoire assez amusante.
Tout d'abord, j'ai énormément de respect pour l'oeuvre très formidable de Gérard Oury. "La grande Vadrouille" est un chef d'oeuvre, ainsi que "Le Corniaud" et "Rabbi Jacob". Mais je tiens à préciser que mon absence au cinéma n'est pas entièrement due au fait de mes mauvaix choix... il y a des fois où on ne m'a tout simplement pas choisi !
Tout à fait !
Et pourquoi on ne m'a pas choisi ? C'est tout simplement parce que je n'étais pas prêt pour le cinéma ! Point !
Il faut arrêter de dire des conneries comme quoi le sort et autre trucs... Non ! Je n'étais pas prêt. Certes, il y a des choses que j'ai très bien faites et que je revendique. D'autres dans lesquelles je n'étais tout simplement pas bon. Voilà, ça s'arrête là.
Alors, pour en revenir à "Rabbi Jacob", c'est très amusant parce que c'est conséquent au fait, comme je l'ai dit avant, j'étais Marxiste Léniniste pur et dur et qu'il ne fallait pas me parler du cinéma bourgeois ! C'était complètement idiot de ma part !! A mon époque, vous devez être trop jeune pour le savoir, vous n'imaginez pas ce qu'on osait dire ! Pour moi, Claude Sautet, c'était du cinéma bourgeois et c'était nul ! La dernière fois que j'ai déjeuné avec Jean-Loup Dabadie, je lui ai demandé de me pardonner pour toutes les conneries que j'ai pu dire sur eux ! (Il sourit). J'étais con et j'avais les yeux fermés. Sautet et Dabadie, c'est du très grand cinéma ! C'est indiscutable.
Donc, Margot Capelier, qui était une immense casting woman et qui était la "mamie" de Dominique Besnehart, m'avait vu au Conservatoire et m'avait trouvé formidable. Un jour, elle arrive et me dit (Il l'imite avec un accent parisien prononcé) : "j'ai un rôle super et très important à te proposer ! Tu vas être content, c'est avec De Funès et Gérard Oury"... A l'époque, De Funès était une immense star ! Et moi, je lui réponds : "Non, non. Le cinéma d'Oury, pour moi, c'est le cinéma bourgeois et commercial. Ce cinéma, c'est de la merde et je refuse !"
(Je ris) Elle a dû être dans tous ses états !
Non. Elle m'a tout simplement dit : "Si ce cinéma là, c'est de la merde, en tout cas, toi, t'es un grand con !" (Nous rions ensemble). Et elle avait totalement raison. En plus, plus tard, j'ai créé la pièce d'Oury, la seule qu'il ait faite, qui n'a d'ailleurs pas été un succès... (Il sourit et se parle à lui-même)...Mais qu'est-ce que j'ai pu dire comme bétises...
Et c'est finalement Claude Giraud qui jouera le rôle. Vous avez d'ailleurs joué avec lui dans "Le loup Blanc" il me semble...
Exact. Bravo ! Vous êtes très bien informé. Claude est d'ailleurs un homme très respectable et un bon acteur.
Ce n'est un secret pour personne... Dans votre métier, il y a une grande place donnée à l'Ego. Comment arrivez-vous à conjuguer le vôtre et celui des acteurs que vous dirigez ?
(Il fait la moue) Ecoutez... Je crois qu'avec l'âge (j'ai 65 ans), si on n'a pas trop mal conduit sa barque et qu'on a été bien accompagné par sa famille (ce qui est mon cas), si on a le privilège inouï d'avoir pu bien vivre de son métier, on se rend compte très vite que la vanité est ce qu'il y a de plus dévastateur. Finalement, notre métier consiste à découvrir petit à petit ce qu'est la philosophie de l'existence, c'est à dire l'apprentissage d'être tout simplement soi. Je pense honnêtement que, même maintenant, j'ai la sensation d'avoir toujours les mêmes inconfiances, la même envie d'être présent sur la scène parce que c'est mon terrain, que c'est là que je vis le mieux et en harmonie. Alors, du côté de l'Ego, j'ai un peu abandonné la partie...
Le rebelle serait-il devenu un sage ?
D'ailleurs, mon dernier livre s'appelle "J'aurais aimé être un rebelle" ! Je n'en ai pas été un effectivement, enfin... je ne crois pas. Je pense qu'être un vrai rebelle, c'est mettre sa vie en jeu ! Et c'est grâce à des gens comme ça que, parfois, on a réussi à conquérir des choses importantes.
Alors, si tant est que la sagesse puisse exister, il faut être conscient qu'il y a d'autres démons qui viennent vous gratter de temps en temps, comme le fait que la vie va être plus courte qu'elle ne l'a été (Il rit). Vieillir n'est pas facile, on rencontre des problèmes de santé, etc... Ce qui disent que vieillir est merveilleux,et bien ils disent des conneries ! (Il rit).
Il faut prendre la vie comme elle vient. Voyez aujourd'hui : il fait beau, l'air est frais, on discute, vous êtes sympathique, votre photographe a beaucoup de charme, voilà tout... (Nous rions).
Quand à l'Ego des autres, je m'arrange pour qu'ils comprennent très vite qu'il ne faut pas m'emmerder avec ça. Par contre, je respecte l'inquiétude, l'angoisse. Je connais l'extrême difficulté d'être en scène. Mais il ne faut pas tout confondre... Il ne faut pas penser qu'on va résoudre ses problèmes psychologiques en jouant. C'est la grande confusion que font beaucoup de gens en voulant faire ce métier. Ils pensent qu'ils vont s'exprimer or ils se rendent compte très vite que le problème n'est pas là. Il ne s'agit pas simplement de s'exprimer. Le débat est ailleurs. Il est dans une relation plus universelle avec le monde qu'avec son miroir. Il n'y a rien de plus dangereux, pour un acteur, que de se regarder et de s'écouter.
Pour moi, l'art de l'acteur se situe dans une relation poétique avec le Monde, l'autre et le texte.
Quel est, pour vous, le plus grand acteur de tous les temps ?
Cela ne veut rien dire. Je n'ai pas connu tous les temps, donc je ne peux pas juger. Il me semble quand même qu'on ne peut pas ignorer l'universalité de Charlie Chaplin. Il a fait du bien au Monde entier. Et puis, il y a des grandes charnières dans le jeu occidental, et là, on peut penser en tant que français à Jean Gabin, en europe à Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, et aux Etats-Unis à Marlon Brando. Et là, je parlais des hommes... Du côté des femmes, il y a Marilyn Monroe, qui, contrairement à ce qui c'est dit, était une immense actrice, Katharine Hepburn... je peux vous en citer tellement !
Aujourd'hui, il y a toutes ces femmes qui arrivent, et qui sont hallucinantes ! Je pourrais vous en citer plein ! En ce qui me concerne, Juliette Binoche me bouleverse complètement. Isabelle Adjani m'a bouleversé et j'espère qu'elle trouvera un nouveau rôle pour le faire encore... Et pour terminer, il y a ce monstre qu'est Gérard Depardieu !
Je pense que, pour certains acteurs, il y a un avant et un après, et c'est le cas de Gabin, Brando et Depardieu.
Justement, concernant ce dernier, il y a une anecdote amusante entre vous et lui, qui concerne "Cyrano de Bergerac"...
(Il me jette un regard malicieux) L'histoire est très simple. J'ai joué "Cyrano" près de 500 fois, au théâtre Mogador, avec de belles critiques...
(Je le coupe) Ne me la jouez pas modeste. Ca a fait un carton !
Bon. A un moment, il est vrai qu'un des plus grands producteurs de l'époque, Gérard Lebovici, m'a proposé le rôle au cinéma. Le jour où il devait me confirmer que j'avais le rôle, on l'a retrouvé assassiné dans le sous-sol d'un parking de l'avenue Foch...
Deux ou trois ans après, le projet est revenu avec Gérard Depardieu...
Mais c'était normal car il débarquait comme James Dean ou Brando. C'était mérité, c'était un génie ! Sa façon de jouer et d'être était tout à fait nouvelle ! C'était donc tout à fait légitime qu'on lui propose le rôle.
En ce qui me concerne, Gérard Lebovici m'avait dit une très belle chose quand il m'avait proposé le rôle... "Pour moi, on n'a pas besoin de vedette. La vraie vedette, c'est Cyrano !"
Voilà, les choses se sont faites comme ça... Et puis, quand on m'a proposé de jouer le comte de Guiche dans le film, j'ai eu tout loisir de me rendre compte que c'était un des plus beaux rôles qui soit.
Ma dernière question touche un sujet sensible et d'actualité... Suite aux nombreux remous concernant les émoluments des stars, les salaires des têtes d'affiche doivent-ils, selon vous, être remis en question ?
Je pense très clairement qu'on ne peut plus, à l'heure actuelle, séparer les problèmes. Bien évidemment que c'est à remettre en question ! Comme il est d'actualité de remettre en question les stock option des grands patrons qui ont foutu en l'air leur entreprise et qui se retrouvent avec des parachutes dorés absolument épouvantables ! Comme il est à remettre en question le fait qu'à l'heure actuelle, les banques n'ont jamais été aussi riches et la classe moyenne ne s'est jamais autant cassée la gueule ! C'est un ensemble de choses. Alors oui, il y a des salaires qui ne veulent strictement rien dire, qui sont des espèces de surquotages intra-muros et qui sont totalement aberrants. Bien évidemment ! A l'heure actuelle, on est dans une ineptie salariale qui consiste à payer et surpayer des gens qui ne le méritent pas, et de dire à d'autres qu'ils doivent faire des efforts sur leur propre salaire sinon on ne peut pas faire le film ! Ca ne veut rien dire !! Je ne citerai pas de noms... Il y a des acteurs formidables qui attirent les foules, mais le problème, c'est qu'on sait pertinemment qu'un acteur tout seul n'attire pas une foule, c'est plutôt le projet d'ensemble qui le fait.
(Il s'énerve) Et puis il y a un moment où j'ai simplement envie de dire que je suis tout à fait d'accord pour que quelqu'un roule en Rolls Royce, à condition d'être sûr que tout le monde puisse rouler en Twingo... Tant que les équilibres sont à peu près respectés, et que le fait de rouler en Rolls n'oblige pas d'autres à crever de faim, je veux bien. Le problème est là. Il y a trop de différence de traitement entre les êtres. Ca se retrouve au cinéma, mais aussi partout.
Je dis qu'il y a une conscience collective à prendre, qui est extrêmement importante aujourd'hui.
Et bien c'en est fini. Merci beaucoup de m'avoir reçu.
Mais je vous en prie.