EN LIVE AVEC LES STARS !

Publié le par corsu61

Cette catégorie vous permet de découvrir les stars sous leur vrai jour, et non celui qu'elles veulent bien montrer par l'intermédiaire de leur agent, leur attaché de presse, ou leur prestation dans une émission de télévision.

Pour cela, profitant de mon expérience de plusieurs années dans le domaine de l'interview, je vous propose le récapitulatif des rencontres que j'ai pu avoir avec vos acteurs ou actrices préférés, et je vous joins les interviews correspondantes.

Tout vous est relaté, sans fard ni dissimulation, et sans aucune langue de bois. Vous allez découvrir que certaines stars sont loin de l'image que l'on veut donner d'elles, que ce soit en bien ou en mal.

N'hésitez pas à me laisser vos commentaires pour me relater vos impressions.... Alors, bon voyage de l'autre côté du miroir...

Aujourd'hui :

EN LIVE AVEC LES STARS !

13 mai 2016. La comédienne est présente au théâtre municipal de Bastia pour y interpréter la pièce "La mère".

Rendez-vous est pris à 19h00. Catherine Hiegel se présente à l'heure et après nous avoir salué très cordialement, ma photographe et moi, elle nous propose de nous rendre dans sa loge où nous serons confortablement installés pour débuter l'entretien.

Surprise qu'il y ait une photographe, elle se montre d'abord chagrinée de ne pas être maquillée. Mais, rapidement, elle balaie ce problème d'un revers de la main et elle s'installe dans son petit canapé, prête à répondre à mes questions. Et comme vous allez le constater, la grande dame ne pratique pas la langue de bois !

Je vous laisse découvrir notre entretien...

 

Catherine Hiegel, bonjour et merci de me recevoir.

Mais je vous en prie.

Vous avez débuté très tôt dans le métier...

J'ai commencé à jouer au théâtre à l'âge de 17 ans.

Comment avez-vous fait pour garder cette même passion durant toutes ces années ?

Plus on travaille et on avance dans ce métier, plus on en mesure la difficulté. Il ne faut donc pas que je m'arrête parce que j'ai encore des sacrés progrès à faire !

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Des progrès ?

Il n'y a que ça qui m'intéresse ! Si un acteur dit "Maintenant, je sais !", il vaut mieux qu'il s'arrête de jouer parce que c'est un con !

Est-ce que le simple fait d'être en recherche perpétuelle d'une amélioration ne vous empêche pas de vous amuser ?

De m'amuser ? Je ne crois pas qu'on s'amuse sur scène, même si on joue un rôle comique. Si on s'amuse, cela veut dire qu'on s'assoit dans le rôle, comme on dit dans le métier. En réalité, on n'a pas le temps de s'amuser, d'avoir du plaisir. Ce dernier n'arrive que quand la représentation est finie, accomplie. En ce qui me concerne, mon meilleur moment (et il ne dure pas longtemps), c'est quand c'est fini : les rappels, les saluts, le retour dans ma loge.

Une représentation, c'est un voyage. Il peut s'y passer plein de choses, quelle que soit sa durée. Rendez-vous compte de tous les problèmes qui peuvent arriver pendant ce laps de temps : la technique, l'artistique, le public dans la salle... J'y ai déjà vu des gens vomir, s'évanouir, et même mourir ! En fait, c'est comme un grand voyage sur un bateau. On ne sait jamais si la mer va être calme, si le vent va se lever, s'il va y avoir une tempête...

En fait, nous sommes dans une mobilisation complète et totale du corps et de l'esprit qui ne laisse place ni à l'amusement (même si on joue un Feydeau) ni au plaisir.

Ce que vous me dites est assez surprenant. Je vais prendre le contrepied en prenant comme exemple l'acteur Jean Lefebre, qui, lui, s'amusait et communiait avec le public pendant ses pièces...

Excusez-moi, mais Jean Lefebvre jouait toujours Jean Lefebvre ! Ca doit être fatiguant de se jouer soi-même. Moi, je ne joue pas Catherine Hiegel, ça ne m'intéresse pas. J'interprète le personnage que je joue dans la pièce.

Ce que faisait Jean Lefebvre, c'était du one-man show. Ce n'était plus du théâtre ! Ce n'est pas méchant pour lui ce que je dis, il était très sympathique... Il y avait beaucoup de gens qui aimaient ce qu'il faisait. Moi pas. 

(J'ouvre la bouche pour rebondir, mais elle me coupe immédiatement)

Vous allez me dire Michel Leeb ! Et bien c'est pareil.

Non. Je vais prendre plus célèbre. Le grand Jean Le Poulain !

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(Elle fait la moue)... Excusez-moi, mais vous visez à côté !

Pourquoi ?

Parce que je n'aimais pas Le Poulain. Malheureusement, j'ai joué avec lui et  ça a été un enfer. Ils disaient des conneries aux acteurs, pendant leur réplique, pour les faire rire. Il ne jouait jamais un personnage, ni une situation. Il faisait le con, le clown... C'était un enfer. Pour couronner le tout, je l'ai eu comme administrateur lorsque j'étais à la Comédie Française...

Il jouait pour lui...

(Elle souffle, visiblement exaspérée)... Moi, ça ne me faisait pas rire. Je suis trop professionnelle pour ça. Je trouvais que ce que faisait Le Poulain était d'une vulgarité épouvantable, et j'ai horreur de ça. Profondément.

Tous vos exemples ne me plaisent pas beaucoup... J'ai beaucoup d'admiration pour plein de gens, mais pas pour ceux là !!

(Je souris)... Aucun souci pour ma part.

Vous savez, je me suis mise en congé pendant les trois années durant lesquelles Jean Le Poulain a été administrateur de la Comédie Française ! Il a ramené cette maison 50 ans en arrière ! Les pièces, les metteurs en scène, la programmation... On jouait vraiment "Mon cul sur la commode", ce n'était pas possible ! (Elle s'énerve) Je n'étais pas rentrée dans cette maison avec cette exigence pour aller jouer "Pouët Pouët" !! . Non !!!

Comme on en avait le droit, je me suis donc mise en congé et je suis partie jouer au théâtre de la Colline, avec Jorge Lavelli. Je suis allée faire d'autres voyages.

Vous avez fait la majorité de votre carrière au théâtre. C'est donc votre lieu de prédilection ?

Je ne sais pas, mais c'est là où j'ai le plus de chances de m'accomplir. Plus que sur les tournages de cinéma en tout cas. Je n'en ai pas fait beaucoup et j'y ai rarement eu des rôles qui m'apportaient un enrichissement artistique. Bien que le cinéma paie plus que le théâtre, pécunièrement parlant.

40 ans à la Comédie Française...

Oui. C'est bien 40 !

Et vous en avez été remerciée d'une manière que je trouve plutôt cavalière. Vous en avez été triste ou plutôt revancharde ?

Triste. Je l'ai mal vécu sur l'instant.

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Je l'ai vécu comme un injustice parce que je ne m'y attendais pas et que je trouvais ça injuste. Ca m'a rendu triste, mais pas revancharde. Ce n'est pas ma nature. Je suis donc partie et, heureusement, je travaille beaucoup.

Avec une carrière comme la vôtre, il n'y avait pas de quoi être inquiète...

On ne sait jamais si on va travailler. Jamais ! Qu'on sorte de la Comédie Française ou pas. Cependant, il est vrai que, dès la nouvelle de mon éviction connue, j'ai immédiatement reçu plein de textes, de coups de fil, et ça m'a rassurée. Je me suis dit que ça allait bien se passer.

On vous connaît peu intimement. Comment vous définiriez-vous ?

(Elle hausse les épaules) Normale. Femme, mère et grand-mère. Un parcours normal.

Et de caractère ?

(Elle réfléchit et me regarde dans les yeux) J'ai du caractère ! (Nous rions)... Mais pas toujours celui qu'on croit !

C'est à dire ?

Oh... Je sais que j'ai la réputation de faire peur.

Je n'ai pas peur.

(Elle sourit) Mais j'ai cette réputation, professionnellement. Un peu grande gueule...

Parce que vous n'hésitez pas à dire ce que vous pensez ?

Voilà ! Et ça, ça fait peur.

Ca fait peur ou ça dérange ?

Les deux. Mais après, les gens, une fois qu'ils ont travaillé avec moi, me disent que je suis gentille.

Cependant, je préfère avoir cette réputation, et j'y tiens, parce que cela me protège. Quand on est méchant avec moi, ça me fait très, très mal. Beaucoup plus mal que ce qu'on pourrait croire...

 

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Professionnellement, quel est votre plus grand regret ?

Je n'en ai pas. Ce que j'ai fait, je l'ai toujours fait en accord avec moi-même.

Ca peut aussi être des choses manquées...

Non. Vous savez, je pense une chose très saine, et ça m'a toujours guidée : quand on me propose un rôle, que ce soit au théâtre ou au cinéma, je ne me dis jamais "Super ! Untel ou untel a pensé à moi. Il m'adore, etc...". Mais plutôt qu'il y en a trois qui ont refusé et qui n'étaient pas libres. Et je vous assure que ça vous aide à appréhender le métier d'une manière plus saine et plus lucide. C'est important.

Ca vous amène de la sérénité ?

Non. Ca me donne du recul.

Vous avez croisé les plus grands noms du théâtre. Quel est celui qui vous a le plus impressionné ? Je crois savoir que ce n'est pas Jean Le Poulain... (Je souris)

(Elle sourit) Non, en effet. (Elle réfléchit)... Le metteur en scène Giorgio Strehler ! J'ai joué "La villégiature" avec lui. Ca a d'ailleurs été filmé. Extraordinaire !

Et aussi Patrice Chéreau, avec lequel j'ai également travaillé. C'était un homme d'une intelligence éblouissante, qui, de plus, aimait les acteurs, comme Strehler, qui était, entre parenthèse, un véritable génie !

Les plus grands metteurs en scène sont ceux qui aiment les acteurs, pas ceux qui en ont peur. Généralement, ils sont d'ailleurs acteurs eux-mêmes...

Vous venez de devancer ma question. J'en parlais d'ailleurs il n'y a pas si longtemps avec Jean-Luc Moreau...

(Elle me coupe et sourit) Ce n'est pas un génie.

(Je souris) Jean-Luc Moreau a pourtant joué, et mis en scène, quantité de pièces. Associez-vous le génie à la réussite ?

Pas toujours ! Mais en tout cas, pour les deux personnes que je viens de citer, oui. Les deux se sont accomplis. Strehler au théâtre et Chéreau au théâtre et au cinéma.

Vous avez reçu deux Molières.

Oui.

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Que pensez-vous de ces récompenses ?

Pour l'avoir vécu, je peux vous dire que ça fait plaisir mais que ça ne veut rien dire. Cette année, je suis de nouveau nommée, mais quand je vois celles avec lesquelles je suis en compétition : Dominique Blanc, Isabelle Huppert... C'est du très grand.

(Je souris) Vous en parlez comme si vous étiez le petit poucet de la compétition...

Ce qui me fait plaisir, c'est d'être parmi les nominées ! Cela veut dire qu'il y a une reconnaissance de la profession. Après, que je l'ai ou pas, c'est autre chose. En tout cas, c'est flatteur et encourageant.

Quelle pièce vous a le plus marquée ?

Oh là là... j'en ai tellement joué... Ca dépend des rencontres. Je pense à "Quai ouest" que j'ai faite avec Chéreau et dans laquelle j'ai joué avec Maria Casarès... Et aux pièces avec Strehler. Je suis devenue une comédienne différente après avoir joué pour lui. Je pense également à "La locandiera" de Goldoni, que m'a fait joué Jacques Lassalle... Et puis Jorge Lavelli qui m'a fait joué Copi "La visite inopportune" avec Michel Duchaussoy qui, lui aussi, était une sorte de génie.

J'en ai plein. J'ai eu de la chance... et j'ai bossé. Car je suis une bosseuse !

Pour terminer, quel conseil donneriez-vous à une jeune comédienne débutante ?

De travailler !

Je vais vous donner un exemple : quand j'étais élève au Conservatoire (c'était avant 1968), j'étais la seule à habiter chez mes parents. Les autres avaient été renvoyés de leurs familles ! Tous ! Tout simplement parce qu'ils avaient voulu être acteurs.

Pourquoi ?

C'était très mal vu par les familles. Ce n'était pas considéré comme un métier. Or, ce n'est plus le cas maintenant. Aujourd'hui, on vient de familles bourgeoises. Etre acteur est très bien coté. J'habite actuellement le 16ème arrondissement de Paris, qui est un quartier bourgeois, et on m'arrête fréquemment pour me demander : (elle imite une personne snob) "Ma fille est comédienne, que lui conseillez-vous comme cours ?". De plus, il y a cette rumeur qui dit qu'on y gagne de l'argent vite, qu'on passe à la télé etc...

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Comme en plus on fait peur aux jeunes avec le chômage et les difficultés à trouver du boulot, quelle que soit la qualification obtenue, les gens ont tendance à se dire qu'après tout, acteur est un job cool, pas fatiguant (c'est une belle erreur !!), dans lequel on est connu et au sein duquel on gagne vite de l'argent sans beaucoup travailler. Bien évidemment, c'est totalement faux ! C'est cette image imbécile donnée par la télé, faite de paillettes, qui les induit en erreur. Ce métier n'est que travail, âpreté, recommencement. Si vous ne l'avez pas chevillé dans le corps, vous tomberez à la première difficulté ! Ce n'est pas seulement se dire : "J'ai un physique". On s'en fout du physique !! Moi, je n'en ai jamais eu.

A la façon dont vous me parlez de ce métier, vous me faites penser à Michel Bouquet...

C'est un honneur. Et il sait de quoi il parle. Nous avons, tous les deux, été professeurs au Conservatoire. Vous savez, ceux qui ont réussi à y entrer, et Dieu sait que c'est difficile, ont déjà conscience de la difficulté de ce métier. Il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.

C'est un fait qui est toujours en vigueur ?

Oh oui. C'est un coefficient qui ne change pas. Entendons-nous bien, je parle du théâtre. Je ne parle pas des petites carrières à la téloche !...

Et au cinéma ? Ca se démocratise aussi...

Oui, mais ça ne veut pas dire que ça va durer ! Moi, ça fait 52 ans que je joue. Je n'ai pas touché une seule fois les Assedic ! Je n'ai jamais été au chômage. Mais combien d'acteurs ont duré tout ce temps ? Il reste qui, de ma promotion au Conservatoire ?

Quand vous en sortez, vous travaillez un, deux ans après ? Et puis, ça dépend également de l'harmonie que vous avez avec votre physique, votre voix et vos moyens. Il y a des acteurs, ou actrices, qui ne seront dans cette harmonie qu'à l'âge de vingt, trente, quarante ans ! D'autres l'atteindront à 18 ans, mais vieilliront mal par la suite...

Quand vous étiez professeur, aviez-vous la faculté de percevoir quand percerait untel ou unetelle ?

Oui, mais c'était des paris secrets que je prenais en mon for intérieur. Je ne l'ai jamais dit.

Je déteste cette scène du film "Entrée des artistes", avec Louis Jouvet, dans laquelle ce dernier passe dans la blanchisserie et désigne les jeunes en leur attribuant des : "Soubrette", "jeune première", "sans emploi"... Je déteste ça ! Moi, mes paris restaient secrets, mais je peux vous dire que je les ai tous gagnés.

Et bien je vous remercie beaucoup de m'avoir reçu.

Mais je vous en prie.

Reportage photo de Candice Obron-Vattaire

Reportage photo de Candice Obron-Vattaire

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S
Bravo pour cet entretien aux rebondissements sûrement inattendus pour vous. Passionnant.
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C
Merci Sylvie
P
Beau caractère... La pièce de strehler je l'ai (la trilogie de la villégiature) car Claude Giraud y joue Leonardo. Enfin quelqu'un qui dit vraiment ce qu'elle pense. Bravo
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C
Merci Palilia