EN LIVE AVEC LES REALISATEURS !

Publié le par corsu61

Pour cela, profitant de mon expérience de plusieurs années dans le domaine de l'interview, je vous propose le récapitulatif des rencontres que j'ai pu avoir avec vos réalisateurs, acteurs ou actrices préférées, et je vous joins les interviews correspondantes.

Tout vous est relaté, sans fard ni dissimulation, et sans aucune langue de bois. Vous allez découvrir que certaines stars sont loin de l'image que l'on veut donner d'elles, que ce soit en bien ou en mal.

N'hésitez pas à me laisser vos coms pour me relater vos impressions.... Alors, bon voyage de l'autre côté du miroir...

 

AUJOURD'HUI

 

EN LIVE AVEC LES REALISATEURS !

17 novembre 2012. Une des icônes du cinéma indépendant américain est l'invité de l'excellente cinémathèque de Corse de Porto-Vecchio : Jonathan Nossiter.

Le réalisateur s'y voit projeter un épisode de son film sur l'univers viticole : "Mondovino" et est convié à une dégustation organisée au profit des vignerons corses. 

Rendez-vous est donc pris à 17h dans les locaux de la cinémathèque.

Jonathan Nossiter arrive avec 20 minutes de retard et nous réserve une petite surprise : il est barbu ! De plus, la première impression est mitigée... Malgré sa courtoisie, l'homme est relativement froid et n'apprécie visiblement pas les interviews (Peut-être n'est-ce que de la méfiance). Cerise sur le gâteau, il demande à ma photographe de ne faire aucun cliché pendant l'entretien et n'en accepte que deux ou trois, posés, avant que la discussion ne commence.

Je décide alors de changer de stratégie. Prenant le risque de travailler sans filet, je mets mes notes de côté et j'attaque notre entrevue en essayant de ne jamais le quitter du regard. Devenue complètement interactive, l'interview prend tout à coup une autre saveur... Fûtée, ma photographe, sentant que la discussion est lancée, contourne habilement les consignes données et réalise quelques clichés pendant la conversation, d'une manière aussi discrète que furtive... Le risque est grand, car Jonathan Nossiter est doté d'un très fort caractère, et il peut à tout moment interrompre l'interview.

Soudain, il s'aperçoit du subterfuge mais n'en semble pas trop affecté. L'interview peut donc se poursuivre et elle se révèle animée et très intéressante. Quelquefois, elle prend même des virages surprenants !

Cela semble plaire au réalisateur qui devient, au fil des minutes, plus accessible, beaucoup plus réceptif, curieux, et même amusé quand je lui fais découvrir l'analogie qui existe entre son film "Mondovino" et l'Oscarisé "The Artist"...

Au final, cet échange a été un des plus curieux qu'il m'ait été donné de faire, car cela s'est plus apparenté à un exercice de funambule sans filet qu'à une paisible interview. Grâce à un personnage à la fois passionnant, complexe, atypique, véritablement habité par son métier et doté d'idées bien arrêtées, je pense que vous allez vous régaler...

 

  Découvrez l'interview : 1

Rappelez-moi pour qui vous travaillez...

 

Je travaille pour un site internet qui s'appelle "SOS MOVIES", spécialisé dans le cinéma, et qui offre aux lecteurs des interviews non censurées et non trafiquées de professionnels du cinéma. Je tiens à vous préciser que toutes ces interviews sont faites hors "promo" ! Le "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", ce n'est pas pour moi !

 

Ok. Vous enregistrez là ?

 

Oui, c'est commencé.

 

Aujourd'hui, il y a une maladie répandue de par le monde, surtout chez les jeunes... Ils ont grandi avec une idée de marketing, de promotion, de vente, que ce soit d'un produit ou d'un acte culturel. Il faut distinguer un film, qui est un acte culturel, d'un produit, qui n'en est pas un. Les jeunes d'aujourd'hui pensent que tout est une question de promotion. Donc, si on parle de son travail, c'est de la promotion, du marketing. C'est faux ! Il existe encore des gens qui défendent leur travail comme ils défendent leurs idées dans la vie ! A aucun moment, ils ne descendent au niveau fascisant de la promotion, de la défense d'un produit ! Je ne fais pas de produits !! Peut-être que je ne fais pas les bons films, je m'en fous, mais moi, comme beaucoup de mes collègues qui sont des amis et que j'estime (ça va

de Karim Aînouz à Laurent Cantet), nous ne sommes jamais en promo ! Les distributeurs, peut être, nous envoient en faire, mais nous, on n'en fait pas. Nous faisons des films parce que ça nous intéresse, parce que le monde nous intéresse, et nous ne sommes pas là pour vendre.C'est extrêmement important que les gens le sachent.

 

On parle de vous comme un des grands représentants du cinéma indépendant américain...

 

  (Il hausse les épaules) Bof !

 

C'est pourtant un fait ! Vous avez de fortes analogies avec John Cassavetes. On retrouve chez vous le même engagement et la même volonté. Vous le revendiquez ou pas ?

 

  (Il prend un air dégagé) Absolument pas. Comme n'importe quel cinéaste vivant, j'ai une estime énorme pour Cassavetes. C'était un énorme réalisateur et surtout un cinéaste de grande liberté. Je peux donc puiser dans la vaste mer d'énergie, d'intérêt et de liberté qu'il a laissée, mais jamais de la vie je ne suis ses pas. J'admire énormément Cassavetes, comme j'admire Pasolini, Fassbinder, etc... Ce sont des gens qui n'avaient pas peur ! Je crois qu'un des privilèges d'un cinéaste, c'est qu'il peut se permettre d'être libre et de ne pas avoir peur de faire ce qu'il fait, évacuant l'idée du bon ou du mauvais, et dire ce qu'il a envie de dire.

En tant que cinéaste, la réaction des gens, tu devrais t'en foutre ! Surtout en ce moment, où tu trouves de l'auto-censure et du conformisme terrifiant dans tous les domaines ! Je pense que c'est un des derniers privilèges, pour un cinéaste marginal comme moi.

 

Vous n'avez jamais peur ?

 

J'ai toujours peur ! J'ai peur en permanence mais je parle en ce moment avec vous en essayant d'être un peu sincère.

 

Ah bon ? Seulement un peu ?

 

(Il sourit) Trop, ça me brûlerait !

C'est une façon d'aborder ses propres peurs, non ? On fait des films pour essayer de se confronter à ses propres peurs. J'ai peur en permanence, comme tout le monde aujourd'hui, je pense. En ce moment, ce sont des moments de grande peur et tout dépend de notre réaction. On peut réagir en se disant : "j'ai peur, je vais protéger ce que j'ai et je vais donc me plier à ce que les autres attendent de moi", mais on peut aussi se dire "j'ai peur. Aujourd'hui, le monde est dominé par la peur, par une fragilité absolue, mais j'en profite pour tenter d'établir ma propre vérité, mais d'une manière qui n'empêche pas la liberté des autres". Peut-être que cette réaction va leur faire prendre conscience qu'on n'est jamais obligé de se soumettre. Je pense que la soumission est ce que vit la majorité des gens aujourd'hui.

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Vous vous revendiquez comme étant un insoumis ?

 

(Il réfléchit)... Non. Je me sens solidaire avec la majorité du monde. Je pense que je ne fais pas assez pour réagir et surtout pour agir. Prenez les viticulteurs...J'ai une estime énorme pour les vignerons indépendants qui travaillent de manière naturelle, au delà du bio. Ce sont des gens qui agissent. Ce sont des artisans, comme nous cinéastes. Ils font des choses plus précises, plus concrètes, plus liées à la terre. Mais hélas, dans la majorité des cas, les vins sont du faux bio. Ils sont bio dans les champs, mais après, d'autres rajoutent des produits chimiques et toutes les conneries qu'ils veulent ! 

Le vin naturel, qui est un vrai bio et qui est une vraie révolution depuis quelques années, est fabriqué par des gens qui veulent amener le geste du respect pour la planète, de la recherche d'identité, jusqu'à embouteiller le vin et mettre le prix ! Parce que c'est aussi une question d'éthique.

Vous savez, si seuls les cinéastes pouvaient décider du prix du billet d'entrée d'un film en salle, ce serait le bonheur.

C'est dommage que l'on soit obligé de concurrencer un Spielberg, qui lui, fait un film de 200 millions de dollars avec 250 millions de dollars de marketing, et qui, en plus, fait des tournées de promotion dans lesquelles il est aussi bien coaché qu'un candidat à la Présidentielle !

Les vrais insoumis sont donc ces vignerons naturels indépendants dont je vous parlais juste avant, qui ont trouvé un moyen de détourner le système, parce qu'ils ont senti que "les grands" allaient dominer et détruire l'identité, l'authenticité. Ce sont ça les révolutions spontanées ! Je ne vois pas le même mouvement dans le monde du cinéma.

 

Vous semblez très engagé dans cette lutte...

 

Pffff... (il a l'air désabusé). J'ai 3 enfants. Est-ce qu'on est véritablement engagé quand on a 3 enfants ?

 

C'est un discours écologiste que vous tenez !

 

(Il s'emporte et il est pris d'un rire moqueur)... Attendez ! La planète est en train de périr ! Nous sommes au seuil de la destruction, non seulement de la civilisation, mais de la planète toute entière ! Ne pas être écologiste aujourd'hui est une aberration. C'est comme ne pas être anti-fasciste avec l'arrivée d'Hitler et de Mussolini ! Regardez simplement les Etats-Unis, dont la moitié des gens continuent à nier l'existence du changement de climat !

 

Que pensez-vous de la réélection de Barack Obama ?

 

C'est génial, même si je suis très déçu de ce qu'il a fait pendant 4 ans.

(Il rit de ce qu'il va dire...) Je trouve même injuste que le monde entier ne puisse pas voter pour l'élection du Président américain ! Tant que les évènements qui se passent en Amérique ont un effet sur le monde entier, le monde entier devrait avoir le droit de voter. (Il rit) Humblement, je le soumets ! (Nous rions ensemble). Vous savez, une personne représentait un danger terrible pour le monde et aurait été pire que George Bush, parce qu'encore plus cynique...

 

Vous parlez de Mitt Romney ?

 

Oui. Du coup, malgré toutes les réserves que l'on peut formuler sur Obama, ce dernier reste un centriste. C'est un homme très prudent. Il est conservateur mais n'est pas un radical. C'est un homme extrêmement cultivé, intelligent, qui a un vrai sens de l'éthique.Entre lui et le mal incarné, il n'y avait pas photo. La réélection d'Obama a donc été un grand moment. Moi, j'ai pleuré.

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Je suis curieux de savoir ce qui vous a poussé vers le cinéma. En effet, votre père est un célèbre journaliste, correspondant du New-York Times et du Washington Post, et la logique aurait voulu que vous vous orientiez plutôt vers le journalisme...

 

Oui, mais un journaliste doit toujours garder son sang froid. Évidemment, chaque journaliste a son propre regard sur le monde, mais il est obligatoire de maintenir une certaine distance. Et ça, ça ne m'intéresse pas ! Je suis un passionné ! J'essaie de ne pas être fou, mais ce qui m'intéresse, c'est d'aller au fond de ce que je ressens ! Forcément, le cinéma est une option viable, ou plutôt ça l'a été. Si  j'avais 18 ans aujourd'hui, il me semblerait impossible de penser au cinéma parce que cela ne représente plus la même chose... 

 

C'est un petit peu désabusé comme discours...

 

Non. Plutôt lucide. Regardez la réalité, ce qui se passe dans les salles ! Regardez la réalité de la production dans le cinéma ! Regardez surtout la réalité des jeunes face au cinéma... Il y a 30 ans, un jeune pouvait se rendre en salle pour voir un film de Fellini ou Kurosawa, sans pour cela être un intellectuel. Aujourd'hui, c'est impossible parce que les salles n'en proposent pas, même à Rome, où j'habite ! Tiens, je vais te raconter une anecdote : A l'école du cinéma de Rome, à la Fac, un des professeurs a demandé aux étudiants qui connaissait Fellini... Pas un ne le connaissait !!! Des étudiants de cinéma à Rome !!! (Il s'emporte). Pour eux, le cinéma commence avec Tarantino... A la limite Scorcese.

Là, il y a une rupture, ce n'est pas une blague ! C'est une réalité : la rupture est là, à Rome, à Paris... Moins à Paris qu'ailleurs, parce que le système français de subvention maintient une activité culturelle. Regardez la Cinémathèque Corse de Porto-Vecchio... Vous avez combien d'habitants ici ? 10 000 ? Et vous avez vu son activité ? Ça, les français peuvent en être fiers ! L'exception culturelle... avec l'Argentine, pays dans lequel il y a énormément d'étudiants en cinéma et où ce dernier est encore pris au sérieux.

Sinon, partout dans le monde, le cinéma n'est plus qu'un divertissement... C'est "Twilight" ! Ça ne va pas plus loin !

Vous savez, j'étais aux beaux arts dans les années 80 à Paris. Je séchais mes cours, parce que je n'avais pas beaucoup de talent, et parce que je commençais à être obsédé par le cinéma. J'avais un choix incroyable ! Tous les jours, il y avait au moins 40 salles qui montraient toute l'histoire du cinéma ! Je me suis fait ma culture cinématographique en me rendant dans les salles parisiennes !

 

Il y a moins de salles maintenant parce que les gens ont plus facilement accès à toutes sortes de films. Je pense notamment aux multiples chaînes de télévision qui nous sont proposées ou même au piratage qui permet à bien des gens de voir un film sans se rendre dans son cinéma de quartier...

 

La destruction de ce genre de culture a commencé bien avant la télé ou le piratage. Le cinéma est lié au monde et ce dernier est dominé par un système économique dirigé par des gens n'ayant qu'un seul intérêt : vendre des produits. Il y a 10 ans, j'ai eu un entretien extrêmement riche avec un homme qui était directeur de marketing dans un groupe qui vend 250 millions de bouteilles d'alcool et 50 millions de bouteilles de vin par an. C'est un géant qui brasse des milliards d'euros en chiffre d'affaires. Cet homme m'a expliqué très gentiment ceci : il m'a dit "quand on opère dans le secteur "alcool", on sait très bien qu'avec une promotion, un marketing ciblé, on propose une chose et les gens acceptent ou n'acceptent pas la marque. Mais une fois qu'ils l'ont acceptée, ils restent fidèles à cette marque. Le vin, lui, nous pose problème parce qu'on a remarqué que plus les gens boivent du vin, moins ils deviennent fidèles à la marque. C'est à dire qu'ils deviennent ... curieux !" Comme peut l'être le Monde ! (Il s'enflamme). Le vin leur pose donc un gros problème parce que leur but dans la vie, c'est de fidéliser la clientèle. Et ça, c'est une jolie métaphore pour tout ! On pense donc à l'éducation... Dans un monde dominé par des gens comme Berlusconi, Sarkozy, Bush etc... qui sont d'un cynisme... et qui revendiquent leur ignorance. Ils revendiquent le fait de ne pas être des gens instruits ! Et Lula, au Brésil, également !(Ndlr : Jonathan Nossiter a la double nationalité : américaine et brésilienne). Évacuons l'idée de gauche/droite... Quand on voit les dégâts qu'à fait Lula, et son parti des travailleurs, au Brésil ! Ce pays qui souffre des inégalités sociales, liées principalement au manque d'éducation, est dans un état catastrophique ! Ça me dégoûte à chaque fois que je lis des papiers de journalistes fainéants, américains ou européens, qui racontent le miracle économique du Brésil ! Ils ne savent pas du tout ce qui se passe au niveau scolaire, et le fait que cela soit moyenâgeux ! (Il s'énerve)... C'est honteux ! Et avec tout ça, on a un président qui revendique en public le fait qu'il ne soit jamais allé à l'Université et que ce n'est donc pas nécessaire ! "Regardez, moi, Lula, je suis un fils du peuple et j'ai tout gagné ! J'ai gagné le loto, je suis président du pays ! Qu'est-ce que c'est génial !" Alors, tous ensemble, avec Berlusconi, Sarkozy, Bush, et même à la limite Monti en Italie... (c'est un coup d'état financier qui a mis Monti au pouvoir, il n'a pas été élu, ce n'est pas de la démocratie ça, c'est un coup d'état !), Monti est un homme intelligent,cultivé et fin, et je ne pense pas que ce soit une personne malhonnête... du tout. Plutôt l'inverse, et quelque part, j'ai de l'estime pour lui. Mais il incarne quelque chose qui n'est pas différent des autres leaders. Il est au service, absolu et sans réserve, d'un système financier et économique qui cherche à laisser les gens dans l'ignorance afin qu'ils soient fidèles aux marques !

Alors, qu'est ce qui est le plus troublant pour ces gens là ? C'est la connaissance du passé. La suppression de la transmission du passé arrange les dirigeants. Comme cela, on peut être manipulé pour arriver à penser qu'acheter une autre paire de baskets est le but ultime de la vie... Ou consommer encore "Twilight" !

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(Je ris)... Vous aimez bien "Twilight" apparemment !

 

Honnêtement, je ne l'ai jamais vu. Mais il est possible qu'il soit bon. Vous savez, j'ai vu "La planète des singes : les origines" et j'ai trouvé ça génialissime ! Il y a quand même des moments de scénarisation un peu enfantins, mais, grosso modo, j'ai trouvé le film extrêmement sophistiqué, très intéressant, avec une vraie critique de la société... un moment de divertissement vraiment bien fait. Soyons clairs, je ne suis pas un anti...(il réfléchit)

 

Anti-Tout ?

 

Non. Je suis un anti rien ! J'essaie de constater ce qui m'entoure pour rester un peu lucide et pouvoir réagir ! Mais je pense qu'essayer d'éradiquer une conscience du passé, c'est ce qui domine notre époque. Aujourd'hui, des jeunes réalisent des films avant de connaître ce qu'est le cinéma. C'est bien de réaliser des films, mais encore faut-il connaître son sujet ! Comment, en France, réaliser un film si on ne connaît pas Jean Vigo, Renoir, Grémillon, Gance, etc ??  Ce sont des points de départ. Tu as le droit de dire que tout ça c'est de la merde ! Tu as le droit ! De très grands artistes ont vu ceux qui les ont précédés et ont dit "Va fa enculo !" (il fait un doigt d'honneur)... Ils ont le droit ! Mais si tu ne sais pas ce que c'est, tu ne sais pas d'où tu viens, toi ! C'est comme si tu étais orphelin.

 

Que pensez-vous de la machine hollywoodienne ?

 

(Il réfléchit). Je connais car j'y ai travaillé. Il y a de très bons films qui sortent. Pour ma part, je suis un fan absolu d'Adam Sandler. Je trouve que ses films sont extrêmement subversifs, brillantissimes, qui me font beaucoup rire et qui apportent des critiques lacérantes de la société. Je pense qu'il a fait le seul film vraiment critique d'Israël : "You don't mess with the Zohan" (Rien que pour vos cheveux pour le titre français). Les premières 45 minutes de ce film sont à mourir de rire ! Imaginez qu'un américain critique comme ça le comportement d'un pays avec un humour extrêmement enfantin mais brillantissime ! J'ai une admiration énorme pour Adam Sandler.

Pour en revenir à Hollywood, il y a de très bons films qui en sortent car il y a des gens qui savent très bien gérer ce système là. Mais il ne faut jamais oublier que c'est un système implacable qui met l'argent au centre de son intérêt. La culture, ça n'existe pas. C'est du blablabla qui est parlé, ce n'est aucunement du ressenti. Alors évidemment, quand ils ont pu dominer toute la chaîne économique, de la production à la distribution et à l'exploitation, non seulement aux Etats-Unis mais partout dans le monde, les jeux étaient faits !

Une constatation : j'habite le centre-ville de Rome. Autrefois, il y avait au moins 30 salles de cinéma qui projetaient des films non hollywoodiens. Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une. Elle est tenue par Nanni Moretti. C'est son cinéma, il le subventionne. Parfois, la salle est vide et s'il n'y avait pas d'autres activités autour, je pense qu'il fermerait ses portes aussi. 

Ca, c'est la réalité. Alors que faut-il faire ? Je pense qu'il faut réagir.

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Oui, mais comment ?

 

   Ah ça... Chacun doit trouver sa façon. En ce qui me concerne, j'essaie, avec mon dernier film "Rio Sex Comedy" de trouver une des solutions possibles. Sur ce dernier, j'avais créé comme une sorte de coopérative... Nous étions tous payés pareils, que ce soient les techniciens, les comédiens ou moi-même. Nous sommes tous co-propriétaires du film. Nous n'avons pas eu de producteur, alors nous avons produit nous mêmes. Ce film aurait dû coûter 15 millions d'euros, et il nous a seulement coûté 1 million et quelques...

 

Plusieurs grandes stars ont joué dans vos films. Je pense notamment à Charlotte Rampling, Bill Pullman ou John Hurt.. Comment réussissez-vous à gérer les égos ?

 

Ce n'est pas une question d'égos. J'essaie de choisir des gens qui ont envie de travailler avec moi, et avec lesquels j'ai envie, moi, de travailler. De plus, je ne les vois pas comme des grands égos. Charlotte Rampling est une des femmes les plus intelligentes que je connaisse et la marraine mes filles. C'est quelqu'un que je respecte profondément.

 

Et John Hurt ?

 

Effectivement, il a fait mon film à l'époque où il buvait pas mal ! Alors, c'était plus compliqué.

 

Bill Pullman ?

 

Lui, il acceptait, comme tout le monde, de prendre son petit déjeuner sur le trottoir de la favella à Rio de Janeiro.

Mais pour en revenir à votre question sur le "comment réagir", "Rio Sex Comedy" a été une tentative qui existe sur les 10 000 autres possibles pour détourner le système et faire autrement. On a réussi à tourner pendant 5 mois ! J'évacue la notion de qualité, mauvais film ou bon film, mais au moins je suis fier d'avoir réussi à réunir des techniciens et des comédiens et d'avoir surtout réussi à faire quelque chose qu'Hollywood n'arrive pas à faire. 5 mois de tournage, c'est énorme ! Cela nous a permis de découvrir la ville ensemble, de rechercher quelque chose. Parce qu'un film, c'est un résultat final, mais c'est aussi un processus particulier : ce que vous vivez pendant que vous le faites.

 

Que pensez-vous des récompenses décernées par les professionnels du cinéma ? Vous en avez reçu plusieurs, notamment à Cannes et au Festival de Sundance...

 

(Il réfléchit longuement)... Vous savez, je suis comme tous les êtres humains, je prends les choses bonnes et j'en suis ravi. Mais j'ai assez d'expérience pour savoir qu'on est souvent récompensé quand on ne le mérite pas. Et on reçoit quelquefois des coups violents quand on ne mérite qu'une fessée... Je ne pense donc pas qu'il y ait un vrai lien entre des récompenses, des prix, et la qualité d'un travail. Et celui qui travaille pour avoir des récompenses, il est déjà dans un autre domaine. Lui et moi sommes dans deux mondes différents. 

 

Vous voulez rester purement dans le monde artistique ?

 

Non ! Je vis dans le monde d'aujourd'hui ! J'adorerais avoir 10 millions de spectateurs ! Mais je me considère comme un artisan. Je pense que tout est une question de motivation. Pourquoi vous vous levez le matin ? Qu'est-ce que vous cherchez ?

 

Et vous, qu'est ce que vous cherchez ?

 

Je cherche à comprendre les gens autour de moi, moi-même, la vie... 

 

C'est beaucoup !! (Je ris)

 

(Il rit). Oui, c'est beaucoup ! Je ne suis pas sûr que ce soit au travers du cinéma que cela va se faire !

 

J'ai une petite info pour vous, que vous ignorez peut-être...

 

Ah bon ? 

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Savez-vous qu'un de vos films a un point commun avec "The Artist", le film de Michel Hazanavicius...?

 

(Très étonné)... Non. Lequel ?

 

Vous avez tous les 2 reçus un "Palm dog" !! (récompense parodique décernée à Cannes et récompensant l'interprétation d'un chien dans un film)

 

(Il rit aux éclats)... Ah oui, c'est vrai !! C'est drôle (il l'a reçu pour les chiens du film "Mondovino").

 

Dernière petite question... Quel serait le nirvana de votre carrière ?

 

Je ne réfléchis pas comme ça. Je ne pense pas à un Nirvana de carrière. J'ai des plaisirs quotidiens, que ce soit avec mes enfants, une bonne bouteille de vin, une scène écrite qui semble crédible, une journée de tournage pendant laquelle j'ai été surpris par quelque chose... 

 

Vous êtes ce qu'on peut appeler un éternel curieux ! 

 

Oui. Je pense que c'est pour cela que je fais des films... La curiosité !

 

Merci beaucoup de votre gentillesse. 

 

Je vous en prie. C'était peut-être un peu étrange non ?

 

Non. Je prends toujours plaisir à dialoguer avec un passionné.

 

Mais vous aussi, vous en êtes un !

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Reportage photo réalisé par Aurélia Walthert

 

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K
Bravo pour cette interview, on voit le passionné que tu es Max ....
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K
je dois avouer qu'il ne fait pas partie des cinéastes pour qui je claquerai 10 euros pour aller voir sa dernière oeuvre ^^<br /> toutefois il est toujours très intéressant de lire ce genre d’interview car cela permet de découvrir un autre regard sur le cinéma<br /> <br /> merci encore à toi mon bon Max
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D
Une très bonne interview. Vivement la prochaine !
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A
Encore un bon moment de découverte pour ma part
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B
Interview intéressante et personnage complexe. Encore du bon boulot et surtout, on ne lit pas ça partout. Ca change des journaux classiques et ça fait du bien
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