17 janvier 2014.
La comédienne est au théâtre municipal de Bastia afin d'y interpréter la pièce de Tennessee Williams : "La rose tatouée". Rendez-vous est pris pour 19h, début d'interview, dans l'enceinte du théâtre.
Mais même après des années d'expérience dans le domaine de l'entretien, j'ai appris que quand des impondérables doivent intervenir, ils interviennent...
Tout d'abord, sa loge n'étant pas uniquement réservée à son usage personnel, elle se révèle trop bruyante pour réaliser de l'audio dans un environnement calme. Accompagnés de sa directrice de tournée, nous nous mettons donc en quête d'une endroit retiré. Grâce à une employée, nous trouvons notre bonheur à l'étage, dans la salle de réception. Mais l'interview à peine débutée, une alarme incendie se déclenche et pousse son cri strident et ininterrompu. Nous changeons donc, une fois encore, de lieu pour se réfugier dans un coin de l'avant-salle... Dix minutes après, l'intervention de deux pompiers arrivés à la rescousse fera cesser ce désagrément, à notre plus grand soulagement.
Pendant tout ce temps, Cristiana Reali s'est montrée particulièrement agréable, totalement détendue, souriante et d'une profonde gentillesse. Elle vous quitte rarement du regard et je peux vous confirmer désormais que sa réputation de très jolie femme n'est en aucun cas usurpée. Vive, passionnée et attentive, elle a répondu à mes questions sans se dérober...
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me recevoir...
Mais je vous en prie..

Vous êtes considérée comme une des plus jolies actrices du cinéma français...
(Elle paraît surprise) Ah bon ? Merci, c'est gentil.
Et pourtant, vous êtes d'une totale discrétion.
Comment se fait-il que vous n'ayez jamais été la proie des paparazzi ?
Effectivement... Peut-être parce que j'ai une vie normale. J'ai vécu pendant vingt ans avec Francis Huster et il nous est arrivé d'être photographiés par les paparazzi, mais notre vie n'a jamais rien eu d'extraordinaire au point de les intéresser plus que ça. Je ne suis pas assez vendeuse pour eux, pas assez scandaleuse... (elle sourit)
Vous pensez qu'en ayant une vie rangée, on évite d'être traquée ?
Oui, je pense.
Pourtant, pour le public, Francis Huster et vous formiez un des couples phare du métier. Et dans son esprit, vous l'êtes un peu resté...
C'est vrai. Je pense que les gens n'ont pas beaucoup apprécié cette séparation. Ce qui est, en fait, plutôt gentil. Concernant les paparazzi, ils ont quand même couverts les grands évènements de notre histoire : notre rencontre, la naissance de nos enfants, la rupture... tout ça. Mais hormis ces passages, rien. Et je ne vais pas m'en plaindre ! (Elle rit).
On sait beaucoup de choses sur l'actrice, la comédienne, mais peu sur votre enfance...
Parce que j'ai vécu au Brésil jusqu'à l'âge de 9 ans. Je suis brésilienne. Il y a eu pas mal d'interviews sur mon arrivée en France, le fait que mes parents soient brésiliens, etc...
Oui, mais quand vous étiez petite fille ? Comment était Cristiana Reali petite ?
J'étais une petite fille qui adorait les princes charmants, les princesses, les déguisements... J'ai toujours beaucoup aimé le théâtre, sans mettre un nom dessus. J'adorais jouer la comédie, les films, les spectacles. Au Brésil, mon père travaillait à la télévision et il m'emmenait dans les décors des télénovelas (NDLR : feuilletons quotidiens diffusés en soirée dans les pays hispanophones) auxquels j'assistais. J'adorais également me déguiser. J'étais une petite fille romantique qui rêvait d'avoir un mari et des enfants...
Puis j'ai changé. Le fait de déménager en France. La nostalgie de mon pays, le manque d'amis au départ, une autre langue pour s'exprimer... Tout ça m'a changée... J'ai eu d'autres envies, d'autres goûts...
Mais d'où vous vient cette passion pour le théâtre ?
Comme je vous le dis, j'ai très rapidement compris que j'étais faite pour ça. Souvent, à la maison, on me demandait de raconter telle ou telle histoire parce qu'on trouvait que je racontais bien, d'imiter tel personnage de la famille ou d'imiter un des invités de mes parents (étant journalistes, ils rencontraient beaucoup de monde). Je me rappelle qu'à chaque fois qu'un invité sortait de la maison, je l'imitais. J'ai toujours eu un don pour l'observation des gens ou des situations. Puis, à 12 ans, ma mère m'a inscrite dans un cours de théâtre amateur, destiné au départ à corriger les accents et lire des textes français. Ca m'a tellement plu que j'ai continué, alors que j'étais au lycée, puis à la faculté.
Il n'y a donc pas eu de flash sur une situation déterminée, mais plutôt une passion montant crescendo...
Tout à fait. Ce qui est drôle, c'est que j'ai aimé le théâtre parce que j'avais envie de jouer, et non parce que je baignais dans les pièces après en avoir vues énormément... C'est vraiment l'envie de jouer qui m'a donnée envie de faire du théâtre ! J'aimais aussi beaucoup le cinéma et je regardais les films du soir, avec des actrices comme Romy Schneider, Isabelle Adjani ou Vivien Leigh... Ces actrices me faisaient rêver.
C'est amusant car vous venez de me citer trois actrices, dont deux brunes aux yeux bleus...
(Elle réfléchit)... Tiens ? Effectivement, vous avez raison. Il y a peut-être eu une identification...
En même temps, j'étais fan des comédies italiennes des années 50 et 60, et surtout très fan d'Alfred Hitchcock. Et ce dernier faisait tourner beaucoup de blondes !
Selon vous, quelle est votre plus belle réussite professionnelle ?
(Elle réfléchit longuement)... La durabilité. Le fait de durer dans le temps et en même temps de progresser. Je suis incapable de citer un film, ou une pièce, que je n'ai pas aimé faire. A chaque fois, j'ai fait des progrès. Vous savez, je viens de terminer de jouer une pièce qui s'appelle "La société des loisirs". Après la représentation, un professionnel dont je ne me souviens plus du nom est venu me voir et m'a dit "on voit un abattage !". Ce n'était pas dit dans le sens péjoratif du terme, mais dans le sens où on voyait mon professionnalisme allié à une certaine facilité. Je me sens bien !
Parce que vous êtes dans votre élément...
Oui. J'adore ça !
Pensez vous qu'il aurait été possible que vous exerciez un autre métier ?
Je ne crois pas... (elle réfléchit)... Il y a plusieurs choses qui m'intéressent, que ce soit dans les bouquins ou dans les films... J'ai fait du droit pendant 2 ans. Du droit pénal. Même si j'ai opté pour autre chose, j'aime toujours ça. Je m'intéresse beaucoup aux faits divers. J'aurais adoré plaider.
On retrouve le côté représentation...
Tout à fait. La communication et surtout la persuasion ! (ses yeux s'illuminent) Convaincre...
J'aime aussi beaucoup la psychologie. A un moment donné, je voulais faire psy pour enfants.
Il y a des gamins qui ne savent pas ce qu'ils veulent faire plus tard, moi, j'avais deux ou trois choses qui m'attiraient. Et pourtant, je n'étais pas une grande studieuse ! Mon père m'a toujours dit "mais comment fais-tu pour apprendre par coeur autant de texte ?, alors qu'à l'école...
(elle fait la moue)" Mais parce que ça m'intéresse ! De plus, quand on aime un texte, il est plus simple à apprendre...

Vous croyez au don ?
Je crois au don. Enfin, pas pour tout le monde. Je pense qu'il y a des réussites par le don, et d'autres par le travail.
Et dans votre cas ?
Je ne sais pas. Je ne peux pas juger. Je pense que, jeune, j'avais des facilités. D'ailleurs, à cette époque, vers l'âge de 12-13 ans, on m'avait appelé pour faire "La boum" et divers autres castings. J'avais une sorte de confiance en moi que j'ai perdue plus tard, vers 17 ans, comme beaucoup d'adolescents. Le doute s'est installé et je n'ai retrouvé ma confiance que longtemps après. Ce sont les périodes obligées de la vie qui m'ont changée. Mais, en même temps, ça m'a enrichi et changé ma personnalité. A l'époque, j'avais un physique très lisse qui ne me correspondait pas. Et comme c'est par là que je pouvais commencer à travailler...
A mon époque, on donnait des emplois.. par exemple, "toi tu feras une jeune première, toi une soubrette"... etc... Et moi, je rentrais dans la case "jeune première", de par mon physique. Alors qu'intérieurement, je ne correspondais pas.
Et maintenant ?
Sans prétention aucune, je pense que les rôles de femmes qui ont entre 38 et 45 ans me correspondent bien.
Justement ! Je vous ai vu très récemment dans "Le grand méchant loup" de Nicolas Charlet. Vous y interprétez une tentatrice très décidée à obtenir ce qu'elle veut... est-ce un rôle de composition ? (Je ris)
(Elle sourit) C'est rigolo ce que vous dites, parce que dernièrement, on m'a proposé plus de rôles de femmes allumeuses, pulpeuses, tentatrices, ou dotées d'une forte sexualité. On m'en donne plus maintenant que lorsque j'avais 20 ou 30 ans. C'est très spécial.
Et comment l'expliquez-vous ?
Peut-être que le fait d'être plus marquée, d'avoir vieillie, m'a donnée plus de personnalité.
Quel est votre plus gros défaut ?
Je suis impatiente et orgueilleuse. On m'appelle "La Corleone". Je pardonne mais j'accepte moyennement. Je pardonne parce que je suis chrétienne mais ce n'est pas pour cela que j'accepte une éventuelle réconciliation. Je suis très gentille, très "bonne poire", mais quand je me sens trahie, cela brise quelque chose de manière définitive.
Que pensez-vous des récompenses décernées par le métier ?
C'est bien parce que c'est une reconnaissance de la profession. Ce sont des moments pendant lesquels on parle d'un film autrement que par le biais de la promotion. On parle d'un acteur, d'une performance, d'un travail qui a été fait. Vous savez, c'est très difficile de faire un film. On croit que c'est facile, mais non. Il y a des gens qui mettent 3,4,5 voire 6 ans à faire un film ! Il y en a qui gagnent beaucoup d'argent, d'autres qui en perdent beaucoup... Par contre, je pense qu'il n'y a pas un acteur ou une actrice meilleure qu'une autre dans l'année ! Avoir un prix, ce n'est pas une vérité en soit, que ce soit pour les Molière ou pour les César ! Robert Hirsch, quand il a reçu son Molière, a déclaré "Qui est assez idiot pour croire, en ayant un prix, qu'il est le meilleur de l'année ?"...
Le lauréat a eu quelques votes de plus que les autres, mais c'est tout. Alors évidemment, il faut le donner à une personne ! Mais être dans les 5 nominés, c'est déjà beau ! Le plus simple, c'est ne pas le prendre mal si on n'est pas récompensé, et inversement ne pas se prendre pour un génie si on est le gagnant.
Pour finir, quels conseils pourriez vous donner à une jeune actrice débutante, au jour d'aujourd'hui ?
Faire ce métier pour les bonnes raisons ! Le faire pour s'épanouir dans son art et non pas pour être connue ou reconnue. Apprendre sans cesse et aimer les textes. A mes débuts, j'avais une vénération pour les anciens. Par exemple, je joue aujourd'hui avec Monique Chaumette... Jeune, quand j'ai joué l'infante dans "Le Cid", et bien j'ai pensé à elle, qui l'avait jouée avec Jean Vilar... C'est génial. Cette mentalité s'est un peu perdue aujourd'hui. Les jeunes ne cherchent plus les conseils des anciens, et c'est un tort.
Quand j'ai débuté au cinéma avec Jean-Paul Belmondo, il m'a donné un conseil que j'ai suivi : "ne laisse jamais tomber un bon rôle au théâtre pour un rôle moyen au cinéma", juste parce que grâce au cinéma, tu vas faire la une des tabloïdes.. Lui, regrettait d'être passé à côté de grands rôles au théâtre pour avoir préféré privilégier sa carrière au cinéma. Evidemment, il s'est rattrapé depuis en jouant "Kean", par exemple, mais il regrettait et m'a dit "fais bien gaffe à ça !". Les conseils des anciens sont extrêmements importants. Je trouve que maintenant, les jeunes écoutent plus le côté "star system" que les vrais artisans.
Mon temps accordé est écoulé. Je vais donc vous laisser vous préparer...
S'il vous reste une ou deux questions, vous pouvez les poser... (Hélas, la directrice de tournée l'interrompt et lui signale qu'elle a un autre rendez-vous...)
Je vous remercie beaucoup de m'avoir reçu et j'espère vous revoir bientôt pour poursuivre notre entretien...
Mais je vous en prie. J'adore venir en Corse !

Reportage photo réalisé par Candice Obron-Vattaire