EN LIVE AVEC LES STARS !
Cette catégorie vous permet de découvrir les stars sous leur vrai jour, et non celui qu'elles veulent bien montrer par l'intermédiaire de leur agent, leur attaché de presse, ou leur prestation dans une émission de télévision.
Pour cela, profitant de mon expérience de plusieurs années dans le domaine de l'interview, je vous propose le récapitulatif des rencontres que j'ai pu avoir avec vos acteurs ou actrices préférées, et je vous joins les interviews correspondantes.
Tout vous est relaté, sans fard ni dissimulation, et sans aucune langue de bois. Vous allez découvrir que certaines stars sont loin de l'image que l'on veut donner d'elles, que ce soit en bien ou en mal.
N'hésitez pas à me laisser vos coms pour me relater vos impressions.... Alors, bon voyage de l'autre côté du miroir...
Aujourd'hui :
17 février 2014. L'acteur est présent au théâtre municipal de Bastia afin d'y interpréter la formidable pièce : "Hier est un autre jour".
Rendez-vous est pris à 18h30, dans les coulisses du théâtre. Daniel Russo est pile à l'heure et il se montre d'emblée chaleureux et détendu. Il préfère que l'interview se déroule, au calme, dans sa loge et nous nous y rendons immédiatement.
Il existe plusieurs types de rencontres dans une vie, mais celle avec Daniel Russo fut, je dois le reconnaître, d'une intensité particulière. D'une part, la passion qui l'anime et sa formidable énergie ne peuvent que vous toucher. Sa sincérité, sa voix profonde, sa façon de s'exprimer avec les mains (on reconnait bien là le méditerranéen...) et son absence totale de langue de bois font que vous oubliez presque que vous l'interviewez... Vous basculez donc dans tout ce que j'aime, à savoir une discussion entre passionnés qui ne peut être interrompue que par des impératifs de temps. Foutu temps qui ne m'a fait passer que 30 minutes alors que j'aurais tant aimé que ce soit quatre heures... Je ne m'en cache pas, cette rencontre m'a bouleversée et n'a fait que conforter ma passion pour cet art.
En tout cas, dégustez ce moment privilégié que j'ai plaisir à partager avec vous...
Tout d'abord, je vous remercie de me recevoir...
Je vous en prie. Vous savez que j'ai de la famille ici ?
(Très étonné) Où ça ? A Bastia ?
(Il sourit) Oui. Mes cousins viennent ce soir ! Ma femme est corse !
(Je ris) Alors là, vous m'apprenez quelque chose ! Mais ça ne m'étonne qu'à moitié, car côté privée, vous êtes plutôt du genre discret...
C'est vrai. Mon épouse est donc corse et son père était médecin à Bastia. Ca fait 40 ans que je viens ici.
Et bien cette interview commence très bien ! (Nous rions ensemble). Ma première question est toute simple : croyez vous au destin ?
Alors moi, il vaut mieux que j'y croie !
Il semble effectivement qu'il vous soit arrivé des choses incroyables...
Absolument invraisemblables ! Je ne crois pas qu'on puisse se dire "je vais vivre ma vie comme je veux". Je n'y crois pas trop parce qu'il y a trop de choses qui viennent en interférences. C'est donc impossible ! Moi, j'ai suivi une route... J'enlève l'enfance parce que je n'en ai pas eu, et croyez moi, ça forge le caractère !
Vous en avez eu une, mais difficile...
Difficile, oui ! Mes parents ont divorcé, avec tous les dégâts collatéraux que cela implique. On m'a récemment posé la question, à cause du sujet de "Hier est un autre jour" : "Si vous pouviez revenir en arrière, vous feriez quoi ?". Et bien j'ai répondu : "je voudrais que mes parents ne divorcent pas".
Mais sans ce divorce, vous n'auriez pas eu le même destin...
Tout à fait ! C'est vrai qu'avoir une vie un peu difficile au départ, ça forge le caractère. On se fait une bonne carapace ! Mais il n'y a pas eu que le divorce de mes parents... Il y a eu l'école aussi ! Si je pouvais revenir en arrière, j'aimerais dire à certains de mes professeurs : "Voyez ce que je suis devenu !". Parce qu'à l'époque, ils disaient "Mais quelle va être sa voie ? Qu'est-ce qu'on va faire de lui ? Il n'aime pas écrire, il n'aime pas calculer, il n'aime pas l'école !"...
Mais ce n'est pas que je n'aimais pas ! C'est que j'aimais plus autre chose !
D'autant plus que vous n'avez pas pris une seule voie, mais plusieurs !
(Il s'enflamme) Oui ! C'est invraisemblable ! Moi, j'aimais tout ce qui était artistique, mais personne ne comprenait ça !! A l'école, on lisait souvent sur mes carnets de notes : "Elève très doué, mais ne veut pas !". Ce n'est pas que je ne voulais pas, mais je m'intéressais à autre chose ! Moi, c'était la peinture et la musique (à 12 ans, j'étais déjà sur scène avec ma guitare dans des groupes de rockn'roll)...
(Je ris)
Mais oui ! A 12 ou 13 ans, j'avais un mot de mon père afin que je puisse rentrer au Golf-Drouot (la première discothèque rock de Paris) pour jouer. Normalement, je n'avais pas le droit car je n'avais que 13 ans ! Et quand j'avais fini de jouer avec le groupe, les autres membres me disaient de m'en aller et eux restaient avec les filles parce qu'ils avaient 18 ans !! (Il rit)
J'étais donc fou de la musique, du rockn'roll, d'Elvis Presley ! J'ai vu Johnny Hallyday au Golf-Drouot ! Et aussi Eddy Mitchell ! C'étaient mes idoles, et ils le sont toujours d'ailleurs !
Mais j'adorais aussi la peinture. Je suis donc rentré à l'école Boulle (NDLR : cette école est un établissement public d'enseignement qui est à la fois une école supérieure des arts appliqués et un lycée des métiers d'art, d'architecture d'intérieur et de design). J'avais dit à mon père "La peinture me plaît plus !". Il m'avait répondu "Ok. Essayons une école puisque tu ne fais rien nulle part ! On ne peut rien faire de toi ! Regarde ! Je n'ai plus de cheveux à cause de toi !" (Il explose de rire).
Mais personne ne me gardait ! Le mercredi, quand il n'y avait pas d'école, même la garderie ne voulait pas de moi ! J'étais intenable !
Mais qu'est-ce que vous faisiez ?
(Il s'enflamme) Mais je suis une pile atomique ! (Il rit). Je suis toujours en mouvement. Je fatigue beaucoup de gens autour de moi ! (Il rit de plus belle). Je suis comme ça, je n'y peux rien ! C'est marrant parce que tout ce qu'on m'a reproché étant gamin, c'est devenu mes qualités ! Alors pour en revenir au destin, il est où ? Je dis à mon père que je veux rentrer à l'école Boulle... Il me dit : "Ok. Mais bon... C'est une grande école avec un concours d'entrée très difficile !". Je lui dis "Oui, et alors ?" et je le réussis !
Il m'a alors dit "C'est la première fois que tu réussis quelque chose !"
Vous ne doutiez pas ?
Mais non ! Parce que j'aimais ça ! Personne ne l'a compris !
Au niveau de l'enseignement, on vous oblige à être dans une certaine catégorie ! Un exemple : avant l'école Boulle, j'ai fait une première école de dessin. Dans cette dernière, j'avais, à chaque fois, la plus mauvaise note. Je ne comprenais pas parce que je trouvais mon dessin très bien. Mais le professeur me disait : "Tu ne fais pas ce que je t'ai demandé ! Tu m'as fait autre chose ! Je veux que tu me fasses le travail que je t'ai demandé ! Je te demande une aquarelle et tu me met de l'encre de chine avec ! Je n'ai pas demandé l'encre de chine et je n'ai pas non plus demandé la gouache !! ". Je lui répondais "Oui, mais je l'ai senti comme ça..." et il me rétorquait "Y'a pas à sentir, je te demande un travail et tu le fais !!!"". Et il me mettait la bulle ! Puis, un jour, ce prof tombe malade et il est remplacé par un autre, qui nous demande un nouveau travail. Je le fais et je me retrouve avec la meilleure note ! Tout le monde a cru qu'il s'était gourré ! (Il rit). Mais il s'explique tout de suite après : "Je vous ai demandé un travail, mais un seul d'entre vous est allé plus loin et s'est montré créatif !".
A partir de ce professeur là, j'ai compris qu'il fallait que j'impose ce que j'aimais !
Cette expérience vous sert-elle avec vos enfants ?
Bien sûr ! Je m'en suis toujours servi ! Je ne suis pas du genre à regarder s'ils ont eu une mauvaise note en français ou autre chose... On s'en fout ! Ce n'est pas grave. Rien n'est grave ! J'estime qu'on a tous un soleil en soi, et il faut le trouver. Moi, je l'ai trouvé.
Mais vous avez été aidé par le destin !
Oui parce qu'après l'école Boulle, j'ai travaillé ! J'ai été décorateur. Je peux faire des décors de théâtre, mais aussi m'occuper des costumes, sans aucun problème. Je peux faire un spectacle en m'occupant de tout ! C'est mon truc.
Mais pour en revenir au coup de pouce du destin, je vous raconte... Un jour, je décore un appartement et on me dit que la personne qui l'a acheté trouve mon travail formidable et qu'il veut me rencontrer. Il parait que c'est quelqu'un que je connais en tant qu'artiste... Cet homme là, c'est Robert Lamoureux ! Et boum ! D'un seul coup, ce type va bouleverser ma vie ! Il va la bouleverser et il ne s'en rend pas compte... Il faut dire qu'à l'époque, suite à un accident, j'avais eu une fracture de la machoire qui m'avait occasionné un défaut de prononciation. J'en avais fait un complexe, ce qui fait que je ne parlais pas trop, même quand je travaillais. Robert Lamoureux l'a vu de suite et comme il trouvait mon travail formidable, il m'a invité à voir une pièce de théâtre dans laquelle il jouait.
Je mettais donc, pour la première fois de ma vie, les pieds dans un théâtre ! Imaginez... Je suis au premier rang, le rideau s'ouvre, et là... le choc total ! Voir cet homme virevolter de cette façon, devant une salle énorme et bondée, entendre les rires fuser de tous les côtés... Je me suis dit "c'est magique !".
Plus tard, en allant dans les loges pour le remercier, je lui ai dit "voilà, j'aimerais faire du théâtre...".
Et plusieurs années après, quand on en a reparlé il m'a dit : "tu te souviens quand tu es venu me dire, avec ton défaut de prononciation, que tu voulais faire du théâtre ? Et il m'imitait..."
C'était sa grande fierté. Il me disait : "Je ne t'ai pas invité ce soir là pour que tu sois comédien ! J'ai fait ça pour que tu sois décomplexé, pour que tu sois mieux dans ta vie et dans ton métier..." (il est visiblement très ému)
Je suis toujours resté proche de lui.
Ca a été beaucoup mieux qu'une séance chez un psy !
Ca a été un tel choc que d'un seul coup, je ne pensais plus qu'à ça ! Il m'a donné des adresses pour prendre des cours. J'y suis allé, sans en parler à mon père parce que sinon, ça l'aurait encore mis dans un état ! (Il sourit).
Pourquoi ? Puisque vous aviez réussi les écoles ?
Oui, mais cela impliquait que j'allais changer ma vie.
Et ensuite, quand j'ai appelé Robert Lamoureux pour lui dire que j'avais réussi l'examen d'entrée au Conservatoire National d'Art Dramatique, il m'a répondu : "Le vrai ?" (Il rit)
"Oui, le vrai !"
Il m'a alors dit "C'est comme si c'était moi..." (Ses yeux se voilent...)
Il faut dire que mon père ne croyait pas trop en moi. Quand je lui ai dit que j'allais d'abord tenter le concours de la Rue Blanche (20 lauréats environ pour 1000 à se présenter) et ensuite le Conservatoire (15 lauréats environ pour 2000 à se présenter), il m'a d'abord dit : "mais tu as déjà un métier !" et après, avec un petit sourire : "Vas-y". On sentait que cela voulait dire "tu vas revenir très vite".
Arrive le jour des résultats du concours du Conservatoire... Je vais les consulter et je vois mon nom. Je demande alors autour de moi si ce sont bien les noms des gens qui ont réussi... Et on me dit que oui ! A partir de ce moment là, j'ai un blanc dans ma vie et je ne sais plus ce que j'ai fait ! (il réfléchit) Il me semble être allé au cinéma, dans la journée. J'étais sous le choc. Et je n'ai pas appelé mon père...
Et qui avez-vous appelé ?
Personne. Ce n'est que le lendemain matin que je me suis aperçu que je n'avais pas appelé mon père. Je l'appelle donc et il me dit "ne t'inquiète pas, si tu avais été reçu, tu m'aurais appelé hier. Je te l'ai dit, tu as un vrai métier, donc il faut t'y tenir !"
"Mais papa, j'ai réussi !"
Il y a eu un blanc, puis il m'a dit "Ok. On déjeune"
Pendant le repas, il n'évoque pas le sujet. Puis, seulement à la fin, il me glisse : "Au fait... pour la comédie... vas-y !"
Uniquement ces mots ?
Que ça ! (Il est très ému)
Avec le recul, vous étiez dans le vrai !
C'était mon envie. C'est ensuite devenu une passion dévorante. Alors évidemment, quand je suis rentré au Conservatoire, j'étais en retard sur tout le monde. En plus, avec mon problème de prononciation, il y en a qui se foutaient de moi... Ce sont les mêmes qui, plus tard, m'ont demandé de leur trouver du boulot... Et je leur en ai trouvé !
Vous n'êtes pas rancunier ?
Non.
Et au Conservatoire, on savait où me trouver. J'étais à la bibliothèque dans laquelle je dévorais tous les livres, tous les classiques.
Vous aviez soif d'apprendre ?
Oui. Et la sortie du Conservatoire est belle aussi ! Parce que, trois ans après, il y a le concours de sortie. Et il y a les prix... Grand moment de stress parce que tous les professionnels sont là, la salle est pleine. Un monsieur vient alors vers moi et je le reconnais tout de suite... Jacques Fabbri ! Il me dit : "Que vous ayez un prix ou pas, je m'en fous. Je vous engage dans ma compagnie, à la rentrée de septembre !"... C'est dément ! Et en plus, je reçois 4 prix ! Mon père était dans tous ses états !
Plus tard, je sors de la salle avec mon ami Bernard Giraudeau, primé lui aussi, et on croise Jacques Fabbri qui me regarde et qui lance : "J'ai le pif hein ?"... Et effectivement, je me retrouve en septembre dans sa troupe...
Dans la foulée, quand je suis arrivé à la première répétition, le génial chef de troupe Jacques Fabbri me dit, sur le plateau et devant tout le monde : "Tu as fait 3 ans de cours privés, 1 an de Rue Blanche, 3 ans de Conservatoire, mais tu ne sais rien et ç'est maintenant que ça commence...". Et il avait raison ! Sur la pratique, il m'a appris une multitude de choses : l'écoute du public, le rythme : accélérer et décélérer... Un maître.
Vos passions vous ont guidé jusqu'à la réussite...
Je dis toujours qu'il ne faut pas contrarier un gamin passionné, il faut l'encourager ! Même si sa passion vous paraît bizarre. Prenez un gars comme Renaud Lavillenie qui vient de battre le record du monde du saut à la perche... A l'âge de 6 ans, il avait mis un sautoir dans son jardin ! Ca paraît bizarre ! Mais heureusement que son père l'a encouragé !!
Je voulais maintenant vous parler d'un de mes films préférés qui est "Le juge et l'assassin". Vous faites partie de la distribution car c'est votre premier rôle au cinéma dans la peau d'un gardien de prison. C'est un bon souvenir pour vous ?
C'est plus qu'un grand souvenir parce que Bertrand Tavernier avait réuni pas mal de jeunes comédiens, dont je faisais partie, et il nous a dit : "voilà, je vais vous raconter mon film !". Il le fait et au bout de 12 ou 13 minutes, il me désigne en me disant : "Bon, c'est vous qui faites le rôle !". Alors que je suis étonné, un autre demande les raisons de son choix... Il répond alors : "parce qu'il n'y a que lui qui m'écoute".
Effectivement, j'ai vu une de vos interviews dans laquelle vous déclariez "ressentir les gens"...
C'est exact.
Vous parliez d'ailleurs d'un metteur en scène qui vous avait invité à discuter avec lui d'un rôle dans un de ses films. Et il avait commencé l'entretien par un pompeux "Je vais vous parler de mon oeuvre...". Vous aviez alors répliqué que cela n'allait pas coller entre vous...
(Il sourit) C'est effectivement vrai. En plus, le metteur en scène en question avait fait deux films très moyens. Ce serait Jean Renoir, Fédérico Fellini, Bertrand Tavernier ou Bertrand Blier, qui me diraient : "Je vais vous parler de mon oeuvre", je les écoute. Mais lui...
J'ai d'ailleurs un grand regret, c'est de ne pas avoir tourné avec Bertrand Blier...
Quant au "Juge et l'assassin", je me retrouve soudain avec Michel Galabru et Philippe Noiret ! J'étais sur le tournage, même quand je n'avais pas de scène ! Ce sont des seigneurs ! Même Jean-Claude Brialy est venu !
J'ai d'ailleurs une anecdote sympathique... A l'époque, ma femme était enceinte et elle était à Paris. Nous tournions à 700 kms de là, dans le sud, et je lui téléphonais souvent. Philippe Noiret me disait d'ailleurs (il imite son ton solennel) : "Mon cher ami, tout votre cachet va passer dans le téléphone ! Il faut faire quelque chose". Suite à ça, je décide de faire ce qu'il ne faut pas faire, comme d'habitude...(il rit). J'attends que tout le monde soit couché, je prends ma voiture et je pars sur Paris, dans la nuit. Arrivé à destination, je réveille ma femme et je lui dis : "fais ta valise, tu viens avec moi !". Comme elle avait besoin de se faire faire des piqûres, je lui ai dit que j'avais trouvé un médecin qui pourrait lui faire là bas... Elle me dit "mais t'es dingue !"... (il sourit). Je ne pouvais pas être séparé d'elle... Je la couche donc dans la voiture et je reprends le chemin du sud. On devait tourner à midi moins le quart et je suis arrivé à l'hôtel à midi moins vingt cinq ! Quand je suis redescendu de la chambre, après l'avoir installée, je n'étais pas rasé et Philippe Noiret a tout de suite compris... il m'a dit "Nooon".. (il rit) et j'ai dit "Siii !" (Nous rions ensemble). Ma femme devait assister au tournage et comme je m'inquiétais, Noiret a dit "Ne t'inquiète pas, je m''occupe de Lucie et elle rentrera dans ma voiture". Puis Brialy a surenchéri "Si ce n'est pas avec lui, ce sera avec moi !". Deux grands seigneurs je vous dis ! Quand tu es jeune comédien, ce sont des choses qui marquent. Toutefois, il faut dire aux jeunes comédiens qu'il ne faut pas faire ça ! Sauf quand on est amoureux... (il sourit).
Après tout ce que vous venez de me dire, vous n'avez plus aucune crédibilité !
(Il s'esclaffe)
Vous êtes la voix française de beaucoup de stars américaines, notamment John Travolta, Harvey Keitel ou Danny de Vito, entre autres... Le doublage est-il un plaisir différent de la comédie ?
Oui. C'est un plaisir mais c'est aussi une chose qu'il faut savoir faire ! Il y a pas mal de comédiens qui ne savent pas se synchroniser.
C'est justement à ça que je veux en venir. Vous êtes connu pour travailler dans la précision. Malgré cela, vous vous régalez autant ?
Ah oui ! C'est quelque chose que j'ai toujours aimé. Vraiment ! Et ça m'a permis de rencontrer Jacques Balutin, Francis Lax, Roger Carel, Serge Sauvion... toutes les pointures du métier, des types formidables ! Et ce sont, en plus, de sacrés comédiens ! Je crois que les producteurs ne se rendent pas compte de ça. Ils devraient faire un tour plus souvent dans les studios de doublages. Il y a là bas de sacrés acteurs !
Il paraît même que vous avez eu John Travolta au téléphone ?
Oui. Grâce à un copain qui passe partout ! (Il sourit). Il était au festival de Cannes et m'a dit : "je suis dehors, mais je vais essayer de rentrer ! Comme je sais que le dîner va être retransmis, je vais essayer de te faire un coucou !" (Il part à rire). J'ai donc regardé la télé et d'un coup, j'ai vu mon copain qui me faisais signe ! Comme ce fameux Benjamin est anglais et totalement bilingue, il s'est approché de la table de Travolta et lui a dit qu'il avait sa voix française au téléphone. Il me l'a passé et Travolta m'a dit dans un français hésitant (il l'imite) "Je souis très content que vous soyez ma voix française". Je lui ai dit "je suis très content, I love you !" (il rit de plus belle). Et en plus, je ne parle pas anglais ! C'est génial !
Mais d'où vous vient cette énergie ??
Je ne sais pas, c'est comme ça ! Souvent les gens me disent "Mais calme toi ! Essaye de te reposer" (Il rit). Mais c'est peut-être ça mon repos ! Il faut que je sois toujours en mouvement. Mettez moi sur une plage, au soleil, sous un parasol et dans les trois minutes, je suis debout !
Selon vous, à ce jour, quelle est votre meilleure prestation ?
(Il réfléchit) C'est difficile. Ce sont surtout des rencontres, car les prestations dépendent souvent d'elles. Par exemple, pour mon interprétation de Pierre Bérégovoy, c'est ma rencontre avec Laurent Heynemann. Il y a eu quelque chose de magique.
Quand j'ai fait "Le temps de la désobeïssance", contant l'histoire de ces 7 flics qui ont sauvé le quartier juif de Nancy, c'est parti d'une vraie rencontre avec le réalisateur Patrick Volson...
Pour "93, rue Lauriston", un film qui traitait de la gestapo, ça a été plus dur. Comme j'étais catalogué "comique", il a fallu la rencontre d'un producteur et d'un metteur en scène qui ont eu le talent de se dire "Ok, ce type fait des films comiques, mais il peut aussi être dramatique !". Il n'y a pas mieux qu'un clown qui pleure...
Revenons un instant sur l'affaire Pierre Bérégovoy. Il y a toujours quelques doutes sur les circonstances de sa mort. Quelle est votre point de vue là-dessus ?
Et bien je suis très content parce que le film ne donne pas de point de vue ! Je crois que ce type là a fait tellement de choses qu'on n'a pas le droit de lui voler son suicide...
(Silence)
Vous avez repris le rôle de Paul Dullac qui jouait Escartefigue dans "La trilogie marseillaise", mais cette fois dans la version réalisée par Daniel Auteuil. Vous revenez sur votre lieu de naissance...
Oui. Marseille.
Il y a donc cette fameuse partie de cartes, scène O combien célèbre. Elle n'a pas été trop difficile à jouer ?
(Il réfléchit) Pagnol, c'est mon alphabet ! Fernandel, Rellys, Raimu, c'est toute mon enfance, c'est tout mon bagage. Lors du tournage, on s'est donc retrouvé autour de cette table. Daniel Auteuil s'est assis et nous a dit "Voilà, on ne va pas penser aux autres et on va faire NOTRE partie de cartes. Comme on peut la ressentir NOUS. Essayons de tout oublier et de faire notre partie". J'ai trouvé formidable qu'il ait fait ça.
Dernière petite question. Après quoi courez-vous désormais ?
Je suis un passionné de théâtre. Etre sur les planches, j'en ai rêvé et j'y suis ! Tous les soirs, avant de rentrer sur scène, je me dis que j'ai de la chance d'être là. J'ai envie que ça continue parce que c'est une sensation magnifique dont je ne pourrais pas me passer. Ce sont mes racines...
J'ai largement empiété sur le temps imparti et je m'en excuse. Merci de m'avoir reçu avec tant de gentillesse.
Mais je vous en prie.
Reportage photo réalisé par Candice Obron-Vattaire